Comment gérer une classe multi niveaux en maternelle ?

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Dans sa classe de MS-GS, le schéma classique d’organisation ne lui donnant pas toute satisfaction, Angeline, enseignante maternelle multi niveaux, décide avec sa collègue de tout changer afin de respecter le rythme et la progression de chaque élève. Aujourd’hui, le fonctionnement de la classe repose sur des jeux qu’elle adapte pour les proposer en ateliers autonomes. Elle nous explique les raisons qui l’ont poussée à remettre en question l'organisation de sa classe de maternelle et comment elle intègre les Alphas dans une classe multi niveaux : PS, MS et GS.



Quelles raisons vous ont amenée à changer l'organisation de votre classe ?

“Nous avons décidé avec ma collègue de changer l'organisation de la classe car l'organisation en ateliers ne nous convenait plus. Dans les ateliers, nous avions l'impression de travailler avec seulement 1/3 des enfants. En effet, pour 1/3 des enfants, l'atelier était trop compliqué (malgré les adaptations didactiques), pour 1/3 des enfants, l'atelier les occupait car ils savaient déjà faire tout seul, il était donc utile pour 1/3 des enfants. Nous avons donc décidé de chambouler nos classes pour fonctionner en ateliers autonomes. Nous avons quelques ateliers Montessori, mais pour la plupart, ce sont des activités que nous avions déjà et que nous avons adaptées dans notre fonctionnement.

Comment vous êtes-vous organisée avec votre autre collègue de maternelle ?

Ma collègue avait jusque-là les PS-MS et moi les MS-GS. Nous avons décidé de faire deux classes multi niveaux PS-MS-GS. Cette nouvelle organisation est en place depuis deux ans.

Racontez-nous une journée type dans votre classe ?

Lorsque les enfants arrivent le matin, ils récupèrent leurs étiquettes “Prénom”. Les plus petits choisissent une activité de manière totalement autonome. Les plus grands, en moyenne et grande section, ont deux activités obligatoires, à effectuer en autonomie. Lorsque ces deux activités obligatoires sont réalisées de façon autonome, comment se déroule le reste de la journée ? Les enfants choisissent des ateliers qu’ils peuvent pratiquer seuls, à deux ou à trois. La notion d’entraide est importante. Souvent, le plus petit apprend par observation, en regardant les plus grands. Je leur pose clairement la question “qu’est-ce que vous avez envie d’apprendre ?” Je possède un classeur qui répertorie les ateliers en fonction de leur envie.

Le suivi des élèves s'organise de quelle manière ?

J'ai un classeur avec des fiches pour chaque enfant dans chaque domaine : sur cette fiche, je note les ateliers que je présente à l'enfant et je coche de nouveau quand il sait faire l'atelier tout seul (nous validons la plupart des ateliers avec des photos, prises par les enfants eux-mêmes). Je fais une fiche pour moi et une fiche pour mon ATSEM en notant pour chaque enfant quels ateliers nouveaux je veux leur montrer. Ils savent qu'ils peuvent également me demander de leur montrer un atelier. S'il est encore trop difficile, je leur montre les activités qu'il faut savoir faire avant. Je réalise donc une fiche par enfant sur tous les domaines pour suivre leurs acquis .

Pour la lecture, vous travaillez avec les Alphas. Comment s'intègre la méthode dans votre organisation ?

J'utilise les Alphas en classe depuis 5 ans maintenant. Au début, j'ai utilisé la méthode de manière plutôt classique. En GS, en phonologie, en suivant le livre du maître. Avec la nouvelle organisation, la progression des Alphas est sensiblement la même que celle du livre du maître. Comme c'est moi qui avais les GS jusque-là, j'ai adapté la méthode Les Alphas pour qu'elle fonctionne en ateliers autonomes. Le grand changement qui s'en est suivi est que les Alphas ne sont plus introduits en GS mais en PS (dès que les enfants s'intéressent aux Alphas et sont prêts). On a remarqué que beaucoup de petits accrochent à l'histoire. Ainsi, environ 50% de nos petites sections (en général ceux qui n'ont pas de problèmes de langage) sont capables en fin de petite section de dire par quel Alpha commence un mot (voyelles et consonnes longues). L'entrée dans la lecture est aussi plus rapide que ce que nous pensions. En effet, en fin de MS, tous les enfants (sauf handicap) sont capables d'écrire des petits mots en Alphas et plus de la moitié a commencé à lire des petits mots. Ils sont très demandeurs d'apprendre à lire en moyenne section : ce sont les enfants qui nous demandent de leur présenter les activités qui leur permettront d'apprendre à lire. Ils sont très fiers quand ils arrivent à lire leurs premiers mots puis quand ils arrivent à lire leur première histoire des Alphas.

Qu’est-ce qui vous a motivé à utiliser les Alphas ?

Avant d’avoir une maternelle, j’avais des CP-CE1. Les enfants avaient des lacunes et des difficultés avec la lecture. Les enfants ont de grand souci de mémorisation de l’abstrait. Avec les Alphas, il n'y a plus de problème et il n’y a plus de difficulté pour retenir le nom de la lettre puisque avec les Alphas, ils mémorisent le nom des personnages. Il n’y a plus de blocage sur le nom. Je commence les Alphas en début d’année. On compte les syllabes parce qu’il faut le faire, mais je n’y reviens pas car avec les Alphas, les enfants découpent finalement en phonèmes et non en syllabes pour décomposer un mot.

Parlons maintenant de la classe, et commençons par la PS, comment abordez-vous les Alphas ?

Au cours de la première période, on écoute l’histoire, sous diverses formes, audio et vidéo. Les petits peuvent jouer avec les figurines. Dès que j’ai repéré leur intérêt, on commence à jouer avec les Alphas. Par exemple, on associe des petits objets à leur Alpha (à l’attaque du mot).

Et en moyenne section ?

En moyenne section, la plupart des élèves commencent à écrire des petits mots avec l’ardoise, le jeu du loto ou les figurines des Alphas. Au milieu de la MS, 4 enfants ont commencé à lire leur premier mot. Juste avant le début du confinement, deux élèves sont entrés dans la lecture (les premières lectures). A la fin du confinement, tous les enfants écrivaient des petits mots et les ¾ étaient aussi capables de les lire.

Quels résultats avez-vous observés en lecture avec les GS?

Tous les grands lisaient les premières lectures avant le confinement. Ils adorent ça. Certains vont plus lentement mais ils sont tout de même dans la lecture-compréhension. Il faut parfois un peu plus de temps pour lire le mot mais quand celui-ci est compris, on le voit dans leurs yeux. Leur regard s’allume, ils sont fiers. Au niveau du rythme et de la progression, c’est moi qui adapte les ateliers obligatoires mais rien n’est imposé. Je commence par les Alphas voyelles et les consonnes longues et j’utilise le jeu du loto. Selon leur envie, je leur propose la découverte de consonnes courtes ou une entrée dans la lecture. On se lance avec des petits mots.

Quel bilan faites-vous de cette année particulière pour la lecture ?

Grâce à ce fonctionnement, les enfants ne sont pas limités au programme de la maternelle pour les apprentissages, ils peuvent aller plus loin. Nous avançons à leur rythme, en continuant les activités phonologiques. On a pu présenter certains sons complexes. Avec ma collègue, nous permettons aux enfants d’aller aussi loin qu’ils le veulent. Nous faisons de même en mathématiques, nous avons présenté par exemple les unités, les dizaines et les centaines. Les enfants ne sont pas bloqués. Au départ, nous nous sommes posé des questions mais même les enfants qui ont des difficultés sont au-dessus du niveau. Ils sont entraînés par les élèves moteurs. Les enfants qui ont du potentiel sont décelés très vite. Cette année, 3 élèves de GS sur les deux classes ont un niveau de lecture de fin CP.